2017 - Plage | LIBRE - Tomorrow

Demain, tout se terminera.


Le mot sonne amer. Il a prétexté d'avoir besoin de partir marcher. Ce n'est pas un mensonge, après tout. Ce sont les autres qui lui prêtent les mauvaises attentions. Sa mère le couvre d'une veste, au cas où, parce qu'il ne faudrait pas qu'il attrape froid ce soir !

Parce que, demain,
tout se terminera.

Les pieds foulent, sans force, le sable. La mer est calme, pas à son image. Règne en lui un torrent glacé. Figé, même, alors que les prunelles s'esquintent sur l'horizon. Nulle idée macabre, en ce jour. Juste le vide, profond et lacérant tout ce qui le compose. Ce vide, qui s'en vient de la date fatidique. De ce demain qui sera, bien trop vite, un aujourd'hui, puis un hier. Le temps semble comme défiler, dans sa tête. Il se fait le film de sa vie. Ne ramène pas en arrière la bobine, non. Il n'est pas si cruel envers lui-même. Mais se figure tout le reste. Cette première fois qui s'en vient et le définitif dégoût avec. Même si, dans sa tête, il y a un espoir infime que tout se passe bien et qu'avec elle, la révélation se fasse. Foutu idiot qui se trouve face à l'eau. Mais déjà, il saute à l'étape d'après, à quand elle aura le ventre rond et les sourires comblés. Oh, c'est peut-être bien le seul moment où il pourra les lui rendre, quand la bouille de leur génétique confondue verra enfin le jour. Où il pourra serrer dans ses bras ce petit être qui braillera tellement fort qu'il leur cassera les oreilles, mais que le coeur en amour et admiration préservera de maudire. Oui, c'est peut-être bien la seule façon qu'il a de se rassurer.

Parce que, demain,
Dieu le condamnera.

Il ferme les yeux, Constance, pour ne pas sentir le vertige qui vient à lui secouer l'échine. Il inspire l'air marin, le sel qui se pose en toute discrétion sur sa peau. Et il continue, ainsi, pendant de longues minutes. À tenter de ne plus songer à rien. Plus à demain, plus au futur. Mais, alors qu'il voulait pour une fois de ce vide qui l'habite, c'est le passé qui surgit. Tout les "autrefois" qui reviennent pour lui fracasser la gueule. La bague de fiançailles semble lui cisailler le doigt alors qu'il revit les émois d'un autre temps. Quand il n'avait pas à se cacher, du monde. Quand il pouvait sourire, pleinement et sincèrement. Quand il était Constance. Pas un reliquat que la famille entretient. Pas cette mélodie funeste qu'il ne cesse de chanter, avec ses je t'aime sans profondeur. Avec son bientôt, oui je le veux sans saveur. Quand il était un homme et pas une ombre. Au sel se mélange des larmes. Acides et amères. Au sable se mêle ses genoux. Et au calme, des sanglots arrachés par les mensonges qui lui pèsent.


L'univers l'écrase. L'univers l'étouffe.
L'univers n'y est pour rien, en fait.

La fin est comme proche. La fin est comme lointaine. Il y a dans l'air un mélange étrange, entre désespoir et résolution. De ses larmes, il s'écroule. Des mêmes, il se relève. Accepte la fatalité d'un destin qu'il a lui même choisi, en ne sachant pas s'assumer. Résolu et brisé, en même temps. À pleurer ce qu'il ne sera plus, de sa seule volonté. Constance pleure sa lâcheté et ce monde qui veut pas de lui non plus. Chiale de se perdre pour ne pas perdre sa famille. Aurait aimé pouvoir simplement un jour leur dire la vérité et qu'ils disent qu'il n'avait pas besoin de leur dire. Mais ça n'arrivera jamais. Sait que trop bien combien ils seraient dévastés de ne pas le savoir comme eux tous. Pas hétéro, pas foutu d'aimer comme il faut. Inconstance. Il chiale les paradoxes qui l'anime, tente de faire le deuil tout en étant incapable. Ne peux se résoudre à l'idée du mariage. N'a pas le choix. Et si, en même temps. Mais non. Oui, non. La tête est envahie par tellement de pensées en même temps qu'elle lui semble bien lourde, ou prête à éclater. Il ne sait vraiment plus et tout est si occupé qu'il n'a même pas entendu le sable crisser sous les pas d'une autre personne. N'est que la misère d'une société qui souhaiterait tous les clouer au pilori. Dans sa chute, il renifle, tente d'occire les larmes. Se fait ainsi remarquer sans le savoir. Tente de retrouver figure humaine, ne plus ressembler à un homme malheureux à en crever, qui s'imagine pas combien ça va empirer. Le son de la voix le fait légèrement sursauter. Il tourne la tête pour aviser la brune à ses côtés. S'essuie les mains contre son jean pour virer de ses paumes le sable, pour ensuite effacer les traces de sa culpabilité de ses traits. "Hum, euh, pourquoi pas ?" Il ravale toute la salive que les crises de larmes vient à faire naître, torrent qu'il ramène en arrière d'avec les larmes. Se laisse tomber sur l'arrière train dans le sable, dépliant les jambes sur lesquelles il était appuyé. Prend une goulée d'air, de cette mer qui reste immuable malgré toutes les douleurs qui règnent devant elle. "Merci." Qu'il glisse dans un maigre sourire cassé, qu'elle pourra deviner faux mais poli. Ou peut-être que Constance tente vraiment de faire bonne figure, de faire revenir sa nature douce malgré tout. Un petit sachet entre ses doigts, il l'observe avant de l'ouvrir, d'y découvrir le proverbe dedans. Il se racle la gorge, avant de lire à haute voix. " On peut connaître la vertu d’un homme en observant ses défauts." Léger silence, de sa part. Il y réfléchit, un instant, avant de regarder de nouveau la jeune femme à ses côtés. "On doit y voir un message caché ?" Souffle de rire, un brin étranglé. Triste ironie.