31 Décembre 2019 - Paso Robles | Lux & Joe - Plan D

Qu'est-ce qu'il a foutu encore, Joe ? Y'avait eu qu'un dernier sms pour Dvijaraj, pour lui dire qu'il rentrera pas, qu'il pouvait piocher de la thunes sous son matelas pour le prochain loyer. C'était tout ce qu'il lui restait dans l'appartement, tout ce qu'il avait su encore avoir de côté avant que ça soit complètement la merde. Marco était crevé et reste que lui, lui puis Lux aussi désormais. Un regard sur cette meuf qui voulait se sentir vivre et à qui il offre que ça, de la vie sans aucun condensé. Comme si elle lui avait explosé à la gueule et que désormais, fallait faire d'avec les plaies. Mais n'empêche qu'il peut pas s'empêcher de sourire, de croire que c'est pas si grave, de pas songer à la fuite en avant, sans savoir de quoi le lendemain sera fait. Demain, c'est une nouvelle année qui débute et voilà déjà quelques jours qu'a débuté la cavale. Ça lui donne l'impression de grand banditisme alors que non, qu'il a juste braqué une épicerie à la con, mais que le coup de feu lui a autant traumatisé les oreilles qu'au type. Pas de blessé, fort heureusement, même si  ça, il en sait trop rien Joe. A tiré sans trop visé, d'avec la cagoule qui gênait. Il sait juste que ça lui a permis de choper l'argent qui leur permet de survivre. Y'a pas des milliers de dollars, mais de quoi tenir encore. Le type sait qu'il faudra sans doute encore braquer quelque chose à l'avenir et que cette fois, il pourra pas la prendre par surprise. Alors peut-être qu'il ira seul ou coulera quelqu'un d'autre. Mais pour l'heure, il termine sa clope et l'écrase dans un cendrier. "J'vais chercher à grailler. Tu veux quoi ?" Une sortie qui durera pas plus de quinze minutes, parce que le motel bidon où ils ont atterrit et au moins bien situé par rapport aux commerces. Sa veste attrapée, qu'il remet d'un mouvement ample, souriant à la gamine. "À tout de suite !" Le coin d'une lèvre qui se creuse, l'arrogance feinte qu'à moitié qui s’encastre un peu plus sur sa gueule alors qu'il se penche, pour déposer un baiser sur le coin de celles de Lux. Puis un rire, un clin d'oeil et le voici à filer avec son larre-feuille.


Parti un peu plus longtemps que prévu, il revient néanmoins avec un sac plastique bien rempli, qu'il dépose sur le mini meuble qui assure déjà la tenue de la télé. "M're." Sa veste retrouve bien assez vite sur le lit, jetée négligement, avant que ce ne soit lui qui arrive à côté de Lux. "Alooors..." Il sort les vivres pour ce jour et celui de demain, vu que tout sera sans doute fermé, pour le premier de l'an. Il laisse Lux choisir leur repas de ce soir. "Ah et tiens. J'ai pris ça, aussi." Des bâtons de feux d'artifice. Le genre qu'on tient en main et qui pétille de partout, avant de s'éteindre. "M'suis dit que ça te plairait." Parce que t'es une gamine. Il retient les mots, Joe. Difficilement, mais sa gueule parle pour lui, façon. Une main qui se place derrière le dos de Lux, tandis que lui se penche légèrement vers elle, pour la regarder légèrement en dessous. Sa gueule de petit con insupportable qui se fend d'un nouveau sourire encore. "Parce que pour le nouvel an, on va sérieusement pas rester à se morfondre ici." Il a le goût du risque, Joe. La démesure avec ça, en plus. Qu'il a toujours eu l'impression de n'avoir rien à perdre, de son côté. Puis qu'au pire, il court vite et pour l'heure, ça a toujours suffit. Pour combien de temps encore ?

31 décembre. La fin d'une année et bordel quelle fin d'année quand je regarde où je suis. Les rideaux orangés en tissus de notre chambre sont fermés, au cas où. Joe s'est foutu de moi quand je lui ai demandé de ne pas les ouvrir. Il a l'air de tout prendre à la légère, comme si rien ne pouvait l'atteindre... Parfois, je me demande, c'est quoi son histoire ? Il ne m'a jamais vraiment parlé de lui et je crois que je flippe un peu de savoir ce qui se cache derrière ce faux sourire qui se veut rassurant en permanence.

Enfoncé dans un lit beaucoup trop mou, je regarde le plafond et je pense à Jade et Mia. On s'était pourtant promis qu'on fêterait cette soirée de la Saint-Sylvestre ensemble, qu'on trinquerait à nos échecs et qu'on les noierait dans l'alcool pour bien commencer la nouvelle année. Nos bêtises d'adolescentes me semblaient si futiles maintenant que j'étais en "cavale". J'attrape mon téléphone et envoie un message groupé aux filles. " Buvez à ma santé ce soir. Tout va bien de mon côté. Vous me manquez. ♡ " Je jette un coup d'œil à Joe qui fume assis à la table face à moi et ne peux m'empêcher de le trouver beau dans ce décor miteux, le visage si sérieux. Il remarque que je l'observe et instantanément son visage change. Un sourire arrogant s'y dessine et il me demande ce que je veux manger. Je n'ai pas vraiment faim. J'hausse les épaules, accompagné d'une petite moue. " Surprends-moi ! Et prend du chocolat... " Je sais déjà qu'il a envie de me rire au nez et de me balancer : "Ca ne m'étonne pas de toi gamine ! " Je me mords la lèvre honteuse et il vient me glisser un baiser au coin de celles-ci avant de claquer la porte derrière lui. Je souris niaisement, le nez entre les rideaux en le regardant s'éloigner d'un pas décidé.  

La porte grince et instinctivement, je me relève - comme une gamine prise en faute. C'est Joe. Évidemment que c'est lui ! Qui d'autres ? Le sac posé sur le lit - un peu trop enthousiaste - ma main tombe sur des Reeses. Les yeux en cœur, je colle la barre de chocolat près de moi. Il n'aurait pas pu mieux choisir. Je déchire le plastique et croque dedans à pleine bouche. " Merciiiiiiiiiii ! " J'attrape les petits feux d'artifice qu'il me tend et lui répond d'un large sourire. Il y a pensé. Une fois de plus, Joe me surprend positivement, alors timidement, je lui dépose un baiser du bout des lèvres sur la joue. "Oui, c'est parfait !" Je m'écroule dans le lit et le tire pour qu'il m'y rejoigne. " Si on sort, j'ai besoin de savoir que tu ne me laisseras pas derrière toi... " Ma main vient trouver la sienne et mes yeux défient les siens. J'ai besoin de voir son regard. Celui qui le trahit quand il essaie de me faire croire que tout va bien. " On est ensemble dans cette merde ! " Je lui tends mon petit doigt et lui fais un signe de tête pour qu'il fasse de même. Personne ne rompt une "pinky promise" surtout pas un 31 décembre. Traditions de gamine ou pas. On ne sortira pas de cette chambre tant qu'il ne m'aura pas serré le petit doigt.


On peut entendre l'agitation dans les rues. Les gens sont alcoolisés et festifs. J'observe mon reflet dans le miroir et ne suis pas vraiment convaincue. Elles sont bien loin les petites robes à paillettes ultra-courtes et les 10cms de talons habituels. Une touche de mascara et une couche de gloss rouge sur mes lèvres charnues feront l'affaire. Un sweat à capuche, un jean et une paire de converses pour le nouvel an, vraiment Lux ? C'était donc ça le look de la vie d'action dont j'avais toujours rêvé. Mouai. Je sors de la salle de bain, sous le regard de Joe. " Ca te dit une virée au bottle shop ? Histoire d'avoir de quoi célébrer 2020 comme il se doit ? " J'attrape une barre de chocolat qui traîne sur le meuble, la fourre dans ma poche au passage et ouvre la porte de notre chambre. Paso Robles nous voilà !

Lux est heureuse et étrangement, ça réchauffe l'estomac de Joe. Comme si c'était la seule chose possible à sa portée, actuellement. Que ce sont pas les yeux de son colocataire qu'il peut faire briller, ce soir. Puis peut-être bien que Dvijaraj aurait pas voulu de son cul pour ce soir, qu'il aurait été à faire la fête ailleurs qu'avec lui, dans tous les cas. Alors il souffle un rire quand Lux l'entraîne plus en amont vers le lit, qu'il se pose à côté d'elle, tout contre aussi, qu'il lui sourit de cette tronche qu'il a quand il doute jamais de rien. "Pourquoi j'te laisserais ?" C'est vrai, ça, pourquoi ! Il s'interroge mais peut que se marrer davantage encore, en voyant ce petit doigt tendu, qu'il vient à mordiller d'abord avant de faire la promesse du sien. Et puis, son visage qui se penche un peu plus pour l'embrasser dans le cou, à cette nana qui devient une femme dès qu'il se dit qu'elle est beaucoup trop belle pour lui. "On aura qu'à s'attacher l'un à l'autre !" Et de rire encore, avec tellement de légèreté qu'on pourrait oublier que peu de temps avant, il y a eu un braquage. Le sourire sur les lèvres, le véritable gosse de la pièce est ravi de l'instant présent.


Pas de grands efforts de son côté non plus. Le cuir remis sur son dos, le pull dessous. Il est prêt à partir, Joe, attend en grignotant un dernier petit truc. Et quand elle sort de la salle de bain, il se redresse et hoche à la question. "Pas qu'un peu, ouais !" C'est qu'il escompte bien tout oublier, ce soir. Qu'ils soient libres comme l'air car, après tout, pourquoi serait-ils recherchés ? Eux précisément ? La gosse n'a rien à se reprocher globalement et lui... Disons que son casier n'est pas si lourd que ça, dans cette ville et qu'on l'imagine sans doute mort, à New-York. Une main qui vient à se glisser dans celle de la brune pour la traîner plus vite encore dehors, fermant la porte avant de glisser la clef dans la poche avant gauche de son jean. "On revoit pas cette piaule avant demain !" Il épargne la blague attendue et nulle à Lux, l'entraîne juste jusqu'à dans la rue où tout le monde ou presque est de sortie, plutôt ceux qui estiment que le passer en petit comité n'est pas ce qui a de mieux au programme. Direction ainsi le premier lieu de vente disponible pour y acheter de l'alcool, ou un bar, c'est au choix. "T'avais vu qu'il y avait un restau au nom de Joe ?" Sourire de canaille, trop fier de lui, comme si c'était évidemment pour lui rendre hommage qu'il avait été nommé ainsi. Après tout, n'est-il pas une sommité ?! Un nouveau rire semble trahir que non, qu'il est juste content bêtement mais qu'il se contente vraiment d'un rien pour être heureux, Joe. "Tu vas boire quoi ?" Qu'il demande, curieux de son choix. "Tu voudrais qu'on regarde si y'a une boîte d'ouverte ce soir, aussi ?" Car après tout, c'est aussi une autre façon de passer la nouvelle année. De s'épuiser dans la chaleur des autres tout autour, de s'abandonner l'un à l'autre sans se soucier du reste autour. Des souffles de vie pour entretenir le leur.