2011 - Tiziana's place | Caleb & Tiziana - The breakup.

"The saddest part in life is saying goodbye to someone you wish to spend your life with."

16h, une alarme sonne et brise le calme ambiant. Tiziana se redresse, haletante. Son premier réflexe est d’étudier les moindres recoins de la pièce où elle se trouve. Première constatation : elle est dans le canapé de son salon ; deuxième constatation : elle ne se sent pas en sécurité pour autant. Plus depuis que son harceleur en a franchi le seuil. La jeune femme passe une main tremblante sur son visage avec l’espoir que ce simple geste l’aide à se réveiller de l’état de léthargie qu’elle doit aux anxiolytiques qu’on lui a prescrit. Elle tend le bras, attrape son téléphone portable et coupe l’alarme plongeant de nouveau l’appartement dans un silence angoissant. Son regard est aussitôt attiré par les derniers messages reçus, tous de Caleb. Il s’inquiète. Elle culpabilise. C’est leur nouveau mode de fonctionnement depuis quelques temps ; tellement loin de ce qu’ils avaient été. Tiziana commence alors à rédiger un SMS d’excuse, mais reçoit un dernier message de petit-ami lui annonçant son arrivée imminente. Consciente d’avoir une mine épouvantable, la jeune femme trouve la force de quitter le canapé pour se traîner jusqu’à la salle de bains afin de se rendre plus présentable pour recevoir un Caleb sans doute paniqué.

Face à son reflet, Tiziana déglutit. Sa peau est pâle, presque translucide. Elle n’est pas belle à voir. A défaut d’avoir le temps de prendre une douche, elle ouvre le robinet et passe plusieurs fois son visage à l’eau froide pour se réveiller, pinçant ses joues pour leur redonner une jolie couleur rosée. Mais il y a toujours son regard. Un regard amorphe, souligné par deux grosses poches violacées qui semblent se creuser chaque jour un peu plus et qu’elle s’empresse de cacher à grand renfort d’anti-cerne. C’est finalement pire que mieux car le cache-misère ne semble plus adapté à sa carnation. Tiziana peste et renonce. Elle nettoie de nouveau son visage et se brosse les dents et les cheveux rapidement avant de regagner le salon qui est dans un désordre inhabituel. D’ordinaire très organisée, la jeune femme s’empresse de remettre chaque chose à sa place ce qui lui permet de ne pas trop penser à ce qui lui trotte dans la tête depuis plusieurs jours…

On frappe à la porte. Tiziana se fige. Elle sait qu’il s’agit de Caleb, mais ne peut passer outre cette peur profonde qui n’est que partiellement anesthésiée par des cachets. La brune se dirige vers l’entrée, contrôle l’identité de son visiteur par le judas de porte et lui ouvre en esquissant un demi-sourire.

« Hi. » lance-t-elle simplement, bien loin des bonjours passionnés auxquels ils sont pourtant habitués depuis deux ans.

Pourtant, la vue de Caleb lui donne toujours autant de papillons dans le ventre…

Tiziana s’écarte, ouvre la porte plus franchement pour qu’il puisse entrer et se hisse sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Ce baiser lui fait autant de mal que de bien parce qu’il est l’un des derniers. Elle le sait. Son visage glisse brièvement dans le creux de son cou, humant son parfum avant qu’elle ne s’écarte de nouveau, une mine désolée animant désormais ses traits.

« Excuses-moi de ne pas avoir répondu, je me suis endormie et je viens seulement de me réveiller. »

D’un geste de la tête, Tiziana l’entraîne à l’intérieur. Ils passent par le salon encore en désordre et finissent dans la cuisine où la jeune femme s’empresse de sortir de quoi boire et grignoter.

« Tu as pris le temps de manger ? » demande-t-elle, jaugeant son petit-ami d’un air inquiet.

Car, en plus de Tiziana, Caleb doit aussi gérer sa propre famille pour qui il est le seul soutien financier.

"The saddest part in life is saying goodbye to someone you wish to spend your life with."

Depuis quelques temps déjà, Caleb ne se sent plus aussi serein lorsqu’il pense à son couple avec Tiziana. Pourtant, rien ne lui mettait plus le sourire que d’entendre sa jolie brune éclater de rire, rien ne faisait battre son cœur plus vite que lorsqu’elle plongeait son regard dans le sien, les yeux brillants d’un amour unique. Tiziana, elle lui avait appris à aimer, elle lui avait appris à être un compagnon en même temps qu'un frère, qu'un portefeuille, qu'un second père pour sa famille. Avec elle, il avait fini par prendre un petit peu de temps pour lui, parfois, pour finalement ne se concentrer que sur elle, sur eux, sur leur jolie histoire à laquelle il ne s’était pas attendu, mais qui lui était tombée dessus, comme ça, un jour de fête foraine. Si tout avait été très simple entre eux, les dernières semaines s’étaient révélées être des plus compliquées. Certes, Caleb avait enchaîné entre la fac, les petits boulots, et il n'avait pas pu être aussi présent qu’il avait parfois pu l’être, mais elle savait combien sa famille avait besoin de cet argent, et surtout, combien c’était important pour lui de savoir ses proches dans un cadre décent. Du haut de ses vingt-deux ans, il jouait le rôle du chef de famille depuis déjà trop longtemps, mais il ne baissait jamais le rythme, parce que chaque centime de ses paies permettait d’aider à payer une facture supplémentaire.  

Cet après-midi-là, Caleb termina de nettoyer la cuisine de la pizzeria, il n’y avait plus que lui et son patron. Ce dernier fit un tour pour vérifier que tout était parfait, puis lui fit signe de s’en aller. Il était bien plus tôt que l’heure de fin de service apposée sur son planning, mais ça avait été très calme. A peine sorti du restaurant, il attrapa son téléphone pour envoyer un message à Tiziana. Il ne reprenait pas le travail avant le lendemain, donc ça lui laissait presque toute la journée pour profiter de sa chérie. En plus de ça, elle avait été particulièrement distante ces derniers temps, perdant sa joie de vivre, son sourire qui avait pourtant le pouvoir d’illuminer une pièce, préférant rester chez elle plutôt que de sortir tous les deux. Clairement, Tiziana était dans une mauvaise passe, et il avait envie de l’aider à relever la tête, mais il avait le sentiment d’être dépourvu de solutions, car quel que soit ce qu'il proposait, elle ne semblait pas y être sensible. Des appels durant des heures, ils étaient passés au SMS, beaucoup plus brefs, demandant beaucoup moins d’investissement. Ses invitations à venir le rejoindre chez lui ne trouvaient jamais réponse positive, s’il ne la connaissait pas si bien, il aurait pu croire qu’elle ne l’aimait plus. Pourtant, il ne se décourageait pas Caleb, il voulait retrouver sa Tiziana, comprendre ce qui n’allait pas et l’aider à avancer plutôt que de la laisser sombrer et se transformer en loque. Un texto, puis deux, puis trois... Reçus, non lus. Elle n’allait pas en plus ignorer ses messages ? Quatrième texto. Cinquième... Rien. “J’arrive.” Finit-il par envoyer. Il monta dans le premier bus et se fit déposer à quelques pas de l’appartement de sa copine.

Aussitôt, il frappa à la porte et c'est le teint blafard qu'elle lui ouvrit la porte, déposant un baiser rapide sur ses lèvres, avant de finir par s'écarter de lui. Le jeune homme plongea ses iris dans celle de la demoiselle, cherchant des réponses là où il ne trouvait que le néant. Elle finit par lui avouer qu’elle se réveillait tout juste, mais Caleb, ça ne lui suffisait pas. Pourquoi est-ce qu’elle ne lui parlait pas ? N’était-il pas celui en qui elle pouvait avoir confiance ? Ne savait-elle pas qu’il aurait fait n’importe quoi pour elle, au même titre que pour sa famille ? Il se pinça les lèvres pour éviter de dire des choses qu’il regretterait, pour ne pas l’assaillir de questions, pour ne pas la secouer et lui demander où était passé la fille brillante et pétillante qu’il aimait ? Au lieu de ça, il ne répondit pas et la suivit à l’intérieur. “Ouais, j’ai grignoté au boulot, mais ça ne vaut jamais un plat de la plus belle des italiennes...” Lâcha-t-il en s'asseyant dans la cuisine, essayant tant bien que mal de dessiner un sourire sur son visage, ou au moins d’observer un petit rictus de satisfaction chez elle. “T’as pas l’air en forme Tiz...” fit-il en attrapant sa main, la tirant pour l’amener contre lui et l’obliger à prendre place sur ses genoux. Il ne voulait pas qu’elle s’échappe, parce qu’il sentait que quelque chose n’était pas normal. “Tu sais que je serai toujours là pour toi, n’est-ce pas ?” Il passa ses doigts sur son visage, rangeant une mèche derrière son oreille, la dévorant des yeux, essayant de voir une petite étincelle d’amour dans son regard... Il la sentait s’éloigner, et bien qu’il cherchât à se rassurer, tous les indicateurs étaient au rouge, mais peut-être était-il le plus fou des deux, à demeurer aussi aveugle face à la fatalité d’une relation qui fonçait dans le mur.